L’année 2021 a été plus meurtrière que l’an dernier dans la Manche, la Méditerranée et l’Atlantique. Cette année aura également été celle de crises diplomatiques autour des questions migratoires : entre le Maroc et l’Espagne avec l’arrivée de 10 000 migrants en quelques jours à Ceuta, mais aussi entre l’Union européenne et la Biélorussie avec un afflux de migrants jamais observé dans cette partie orientale de l’Europe. La Grèce, de son côté, a débuté la construction de camps fermés pour demandeurs d’asile. Enfin, l’Afghanistan a été au cœur de l’actualité cet été avec le retour au pouvoir des Taliban et la fuite désespérée de milliers d’Afghans.
1/ La chute de Kaboul et le retour des Taliban en Afghanista
Le 15 août, quelques jours seulement après le retrait des troupes américaines, les Taliban ont pris le contrôle de la capitale afghane.
Pendant plusieurs jours, des milliers d’Afghans ont afflué à l’aéroport de Kaboul pour fuir le pays et échapper aux Taliban. Des scènes de désespoir, dans lesquelles des parents ont tendu leurs enfants à des militaires étrangers aux abords de l’aéroport, ont fait le tour du monde.
Plusieurs États ont accueilli des ressortissants afghans et ont suspendu les expulsions vers l’Afghanistan. Depuis le mois d’août, près de 3 000 Afghans ont été évacués par la France, plus de 4 000 par l’Allemagne et environ 8 000 par le Royaume-Uni.
Des milliers d’autres, toujours coincés dans le pays, craignent des représailles talibanes et cherchent à se rendre en Europe par tous les moyens.
La commissaire européenne Ylva Johansson a annoncé jeudi 9 décembre que 15 pays de l’UE s’étaient engagés à recevoir un total de 40 000 Afghans. L’Allemagne accueillera le plus gros contingent de réfugiés, avec 25 000 personnes.
2/ Les migrants pris au piège entre la Pologne et la Biélorussie
Depuis cet été, des milliers de migrants, principalement originaires du Moyen-Orient, ont franchi ou tenté de franchir, depuis la Biélorussie, la frontière orientale de l’Union européenne (UE) en passant par la Lettonie, la Lituanie ou la Pologne.
Selon les médias locaux, 14 migrants sont décédés depuis cet été entre la Pologne et la Biélorussie. Du côté de la Lituanie, un mort a été recensé d’après les autorités biélorusses.
L’Union européenne accuse Minsk d’avoir provoqué cette crise en attirant les migrants à la frontière et en leur délivrant des visas avec la promesse d’un passage facile. Une politique menée en représailles aux sanctions de l’UE contre la répression d’un mouvement d’opposition au régime du dictateur Loukachenko en 2020.
Selon les derniers chiffres de la Commission européenne datés de décembre, un peu moins de 8 000 migrants sont arrivés dans l’Union européenne via la Biélorussie cette année : 4 285 en Lituanie, 3 255 en Pologne et 426 en Lettonie.
Des centaines d’autres patientent depuis des semaines à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie dans l’espoir de fouler le sol européen.
En réponse à ces mouvements migratoires, la Pologne et la Lituanie ont débuté la construction d’un mur dans ses régions limitrophes de la Biélorussie. Budapest, de son côte, a déployé 1 500 soldats à sa frontière commune avec le pays de Loukachenko.
3/ Une année particulièrement meurtrière dans la Manche
Depuis fin 2018, les traversées de la Manche par des migrants cherchant à gagner le Royaume-Uni se multiplient malgré les mises en garde répétées des autorités qui soulignent le danger lié à la densité du trafic, aux forts courants et à la basse température de l’eau. En 2021 encore, les chiffres ont considérablement augmenté par rapport aux années précédentes.
Le 24 novembre, la mort de 27 migrants dans le naufrage de leur embarcation a provoqué une onde de choc européenne et a accru les tensions entre Paris et Londres sur la question migratoire.
Au total, au moins 30 migrants sont morts dans ce bras de mer depuis le début de l’année et quatre sont portés disparus. En 2020, six migrants avaient perdu la vie dans la Manche et trois autres avaient été portés disparus.
Depuis le début de l’année, les traversées et tentatives de traversées ont concerné plus de 34 000 personnes, contre 9 551 en 2020, 2 300 en 2019 et 600 en 2018, selon les chiffres de la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord. Environ 8 200 migrants ont été secourus par les autorités françaises.
Des hausses qui s’expliquent par des difficultés de plus en plus grandes à monter à l’arrière d’un camion en raison des contrôles renforcés, et des prix plus élevés pour ce mode de transport.
4/ Ceuta débordée par l’arrivée soudaine de 10 000 migrants en 48 heures
Mi-mai, l’enclave espagnole de Ceuta a vu débarquer en seulement deux jours quelque 10 000 migrants venus du Maroc voisin. Un afflux orchestré par Rabat pour protester contre l’hospitalisation du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario en Espagne.
Madrid a répondu en déployant des militaires à sa frontière avec le Maroc et en expulsant manu militari ces milliers de migrants qui avaient sauté par dessus les grillages de barbelés ou avaient nagé depuis les plages marocaines jusqu’aux plages voisines de Ceuta.
Pendant cette crise, plusieurs photos sont devenues virales sur les réseaux sociaux, comme celle d’un sauveteur espagnol sortant des eaux un nourrisson, l’image d’une bénévole de la Croix-Rouge enlaçant un migrant subsaharien ou encore la photo d’un mineur marocain arrivé en pleurs sur une plage de Ceuta équipé de bouteilles en plastique en guise de flotteurs.
5/ L’Atlantique et la Méditerranée, plus que jamais des cimetières maritimes
Depuis janvier, au moins 1 508 personnes ont péri en Méditerranée centrale en tentant de rejoindre les côtes européennes, contre 999 l’an dernier. Depuis 2014 et le début du recensement des décès par l’Organisation internationale des migrations (OIM), près de 19 000 exilés ont perdu la vie dans cette zone maritime, la plus meurtrière au monde.
Du côté de l’Atlantique, l’OIM a comptabilisé cette année 937 morts dans l’océan alors qu’ils tentaient de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries. L’année dernière, 874 personnes avaient perdu la vie ou avaient disparu dans l’Atlantique.
Un chiffre sous-évalué aux yeux de l’ONG Caminando fronteras, qui surveille les flux migratoires dans la zone. Pour les six premiers mois de l’année, 1 851 décès ont été recensés par les humanitaires. Les données du deuxième semestre ne seront disponibles qu’en début d’année prochaine. “C’est une année horrible”, avait déclaré la présidente de l’association espagnole Helena Maleno au moment de la sortie du rapport début juillet.
Le nombre d’arrivées aux Canaries est quant à lui resté stable en 2021 : 21 656 migrants ont débarqué dans l’archipel cette année, contre 19 566 l’an dernier.
6/ En Grèce, davantage de murs dans les camps pour demandeurs d’asile
En 2021, la Grèce a entamé la construction de murs autour de plusieurs centres pour demandeurs d’asile. Le premier à s’être cloisonné est le camp de Ritsona, au nord d’Athènes, en juin. Sur les îles de la mer Égée, Samos a inauguré en septembre son centre fermé, suivi par celui de Kos et Leros le mois suivant.
À terme, le gouvernement grec souhaite ouvrir deux autres camps sécurisés sur les îles de Lesbos et Chios. Ce projet est cofinancé par l’Union européenne, qui a investi 276 millions d’euros dans l’aménagement de ces nouvelles installations.
Cette stratégie d’enfermement est dénoncée par les ONG, qui alertent sur les conséquences psychiques et mentales sur les demandeurs d’asile. Comparés à des prisons, ces centres sont généralement éloignés des centres-villes. Un isolement qui marginalise encore plus les exilés, selon les humanitaires.