Les Jakartaman, ces héros du bitume et des ruelles cabossées, ont pris la
route de la contestation, klaxons en main, pour rappeler au gouvernement
qu’ils ne sont pas juste une statistique de l’économie informelle. À Kaolack et
Ziguinchor, les pneus brûlés et les manifestations bruyantes ont envoyé un
message clair : quand les moteurs grondent, il est temps d’écouter.
Le gouvernement, qui voulait “sécuriser” ces travailleurs avec des
immatriculations et des assurances, semblait croire qu’il suffisait de peindre
une belle promesse de sécurité routière pour calmer les esprits. Mais voilà,
on ne repeint pas une moto bringuebalante avec du vernis fiscal. Pour ces
conducteurs, majoritairement jeunes, ces mesures ressemblent à une
crevaison en pleine montée : un obstacle de plus sur un chemin déjà difficile.
Il faut reconnaître qu’imposer des frais supplémentaires à ceux qui gagnent à
peine de quoi payer leur carburant, tout en affirmant que “c’est pour leur
bien”, demande un certain culot. Mais peut-être que le gouvernement pensait
vraiment bien faire. Après tout, quoi de plus noble que de protéger les motos
tout en passant discrètement à la station-service pour remplir les caisses de
l’État ? Un peu de sécurité pour eux, un peu de recettes pour nous : une belle
idée d’équilibre, non ?
Les Jakartaman, eux, voient les choses autrement. Ils rappellent qu’ils
constituent une part importante de l’électorat qui a permis à ce gouvernement
d’arriver au pouvoir. Et aujourd’hui, ils se sentent trahis. Ces jeunes avaient
voté pour un champion des masses populaires, et non pour un champion des
nouvelles réglementations. Alors forcément, quand la promesse de
changement se transforme en charge supplémentaire, ils réagissent à leur
manière.
À Ziguinchor, les routes ont été bloquées. À Kaolack, les manifestations ont
pris des airs de mauvais film d’action. Et si rien ne change, Dakar et d’autres
villes risquent de se joindre à cette “tournée nationale de la colère”. Peut-être
faudrait-il rappeler au gouvernement que les Jakartaman ne transportent pas
seulement des passagers, mais aussi des espoirs. Et que ces espoirs,
aujourd’hui, ressemblent davantage à un pneu crevé qu’à un moteur bien
huilé.
Alors, que faire ? Peut-être qu’il est temps de freiner un peu et de revoir les
choses. Un moratoire sur ces mesures, des incitations financières, ou même
un dialogue ouvert avec ces conducteurs pourraient apaiser la situation. Offrir
des solutions réalistes plutôt que des contraintes pourrait transformer cette
colère en un partenariat constructif. Parce qu’à ce stade, même un geste
symbolique – un casque gratuit, pourquoi pas ? – pourrait faire plus pour
calmer les tensions que toutes les justifications du monde.
En attendant, les Jakartaman continuent de rouler, mais avec une colère de
plus en plus palpable. Si le gouvernement espère que tout cela va s’arranger
tout seul, il ferait bien de revoir son GPS politique. Parce que, comme disent
les conducteurs eux-mêmes : “Une moto en panne peut s’arrêter, mais une
colère bien alimentée ne s’éteint jamais.” À méditer.
Ibrahima Thiam, Président du mouvement Un Autre Avenir #Senegaalkese