Garantie par le droit international, la migration reste encore mal perçue dans de nombreux pays à travers le monde, en particulier en Afrique. L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans son rapport intitulé »Les routes de la torture – Le cycle d’abus contre les personnes en situation de déplacement en Afrique », publié ce 15 décembre, fait état du sort réservé à ces migrants sur le continent.
L’étude, qui s’est déroulée sur deux ans, a interrogé plus de 250 migrants. Ces derniers ont confié être soumis à des actes de torture, de viol et de violence en tout genre. L’une des causes de cette situation semble être le racket enregistré aux frontières et aux postes de contrôle de certains pays.
« On a identifié un site en particulier où ce risque se matérialise très souvent à Kantchari (Burkina Faso). De nombreux migrants ont témoigné avoir été victimes d’extorsion qui leur a causé par la suite des mauvais traitements et des actes de torture. Comme le raconte un jeune originaire de Kolda, qui nous a confié qu’il avait été emmené au poste de police, puis battu et électrocuté », évoque Jelia Sané, Avocate à Londres et rédactrice du rapport.
La recherche a retracé le périple de ces migrants à travers plusieurs pays africains que sont la Libye, l’Algérie, le Tchad, le Soudan, le Burkina Faso, le Mali et le Nigeria.
Outre des cas d’extorsion de fonds, ces candidats à l’émigration sont le plus souvent victimes de détentions arbitraires dans des conditions qualifiées d’inhumaines et dégradantes.
« Les Etats africains ont tendance à criminaliser la migration en recourant systématiquement à l’emprisonnement. En détention, on retrouve des personnes vulnérables (victimes de viol, de torture…), des femmes, des enfants qui sont placés dans les mêmes cellules que celles des adultes », déplore l’avocate.
Ces politiques dissuasives des Etats africains concernant les migrants seraient motivées, en partie, par l’Union européenne (UE). L’Europe, confrontée à une crise migratoire, a décidé de régler ce problème à la racine
Selon le rapport, les projets de développement financés par l’institution européenne en faveur du continent africain, auraient très souvent comme condition le durcissement des contrôles aux frontières au détriment des migrants.
« L’UE, pour empêcher les migrants de traverser la Méditerranée et même bien avant ça le Sahara, conclut avec nos Etats des accords de coopération bilatéraux en vertu de quoi, les contrôles ne s’effectuent plus en physique à l’Union européenne, mais sont externalisés et confiés aux pays d’Afrique. Autrement dit, la frontière de l’UE ne commence pas à Gavdos (Grèce) mais elle commence à Agadès (Niger) », pense la rédactrice du rapport.
Pour tenter de mettre un terme au phénomène de la torture dans le parcours migratoire, l’OMCT exhorte les gouvernements africains à prendre des stratégies nationales sur la protection des migrants.
« Il faudrait, de toute urgence, réviser les lois nationales qui portent sur la migration et sur la torture. Sur la migration, en retirant le caractère criminalisant qui est de plus en plus renforcé dans les lois nationales. Et la deuxième urgence concerne la révision des lois nationales sur la prévention et la prohibition des lois sur la torture », propose Isidore Collins Ngueuleu, Conseiller en droits humains principal pour l’Afrique à l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
La réhabilitation et la prise en charge des victimes de ces actes de violence par les Etats africains concernés ont aussi été préconisés par l’organisation.