El Hadj Abdou Hamid Kane : un précurseur de l'Islam dans la ville de Kaolack

16 - Octobre - 2022

Il est né en 1855 à Saint Louis. Il a fait l'apprentissage du coran à l'école coranique (daara) de Amadou Ndiaye Mabèye à Saint Louis fréquentée aussi par El Hadj Malick Sy. Adulte, El Hadj Abdou Hamid Kane fit le métier de commerçant employé de commerce chez un négociant de Saint Louis Modou Fall Balla. Grâce à l'intervention de son ami Saer Gueye, il fut embauché par les établissements commerciaux Maurel et Prom de Kaolack et fut affecté à Latmingué situé à une dizaine de kilomètres au sud-est de la ville. Après quelques années de collaboration de contrat de travail, il démissionna de Maurel et Prom et s'installa définitivement dans la ville de Kaolack. Il commença à faire du prosélytisme en construisant une mosquée dans une ville majoritairement habitée par des sérères encore sous l'emprise de croyances païennes et de haal pular commerçants musulmans. Grand érudit musulman de la ville de Kaolack, il fut nommé en 1898 Cadi ou juge musulman par l'administration coloniale. Le cadi devait pour être choisi pouvoir lire et écrire en arabe mais aussi lire, écrire et parler français. Deux systèmes judiciaires furent établis dans le Saloum : le chef de canton était le juge des non musulmans et le cadi pour les musulmans. Le critère d'écrire et de parler français a fait que peu de cadis étaient nommés dans le Saloum ; ce qui explique que Abdou Hamid Kane fut pendant longtemps le seul cadi du Saloum. En 1914, Abdou Hamid Kane eut des différends avec l’administrateur français de Kaolack Paul Brocard. Ce dernier reprocha au cadi d'être l’instigateur d’une pétition des indigènes contre la nouvelle réglementation sur les écoles coraniques et le révoca. En effet l'article 1 de l'arrêté colonial du 15 janvier 1903 stipulait que l'ouverture d'une école coranique est soumise à l'autorisation du gouverneur, et l’article 2 exigeait la présentation d'un certificat de bonne vie et mœurs pour tout enseignant d'école coranique et l’article 4 de l'arrêté colonial avait mis en place une commission politique et policière de surveillance des maîtres coraniques et de leurs élèves. Brocard avait décidé d'installer les écoles coraniques à la périphérie de Kaolack dans le quartier de Thioffack. Profitant de la mort d'une nommée Fatou Gueye demeurant dans la maison du marabout avec la complicité du médecin de la ville qui a annoncé la cause de la mort de la dame par la peste, Brocard mit tous les membres de sa famille en quarantaine en envisageant de tout bruler. Le 10 Novembre 1914, le marabout écrivit une plainte adressée à El hadj Massamba Sall responsables des notables de Saint Louis. Le 16 février 1915, tous les notables de Saint louis signèrent une pétition jointe à la lettre du marabout pour l'envoyer au député Blaise Diagne pour se plaindre du mauvais traitement du marabout natif de Saint louis par l'administrateur Brocard. Le 2 Avril 2015, l'administrateur Brocard avait réagi en envoyant sa version des faits au lieutenant-gouverneur en déclarant contre le marabout de Kaolack dénonciation calomnieuse contre un fonctionnaire et mauvais renseignement du guide religieux sur le devoir de l'administrateur en matière d'hygiène en cas d'épidémie. Brocard déclara à son supérieur que le marabout Abdou Hamid Kane n'a pas encore accepté sa révocation comme cadi de Kolack et la fermeture de son école coranique irrégulièrement ouverte selon le commandant de cercle. Par la plainte de Brocard, le marabout Abdou Hamid Kane devrait passer en jugement en 1915. L'intervention de Blaise Diagne auprès du gouverneur fit libérer le marabout de Kaolack.

Médaille de chevalier de la légion d'honneur
Pour réparer toutes les offenses de Brocard, l'administration coloniale sur proposition de ElHadj Malick Sy avait choisi le marabout Abdou Hamid Kane pour représenter le Sénégal dans la mission musulmane envoyée à la Mecque pour prier pour une victoire de la France engagée dans la première guerre mondiale. Il a reçu la médaille de chevalier de la légion d'honneur et une somme de 40000 francs pour préparer son voyage. A son retour à Kaolack El hadj Abdou Hamid Kane se rendit compte que le commandant de cercle Brocard n'a pas changé ses sentiments de haine à son égard et recommence à lui mettre des obstacles dans la pratique de sa religion musulmane et des préceptes de sa tarikha tidiane. Vue la multiplication des difficultés imposées par Brocard et l'impossibilité de faire face, El hadj Abdou Hamid Kane était obligé d'aller voir El hadj Malick Sy à Tivaouane pour lui faire part de la situation impossible à vivre dans la pratique de sa religion et de sa tarikha tidiane. Plusieurs liens existaient entre les deux hommes : ils se sont bien connus à Saint Louis pour avoir fréquenté ensemble l'école coranique de Amadou Ndiaye Mabèye, son frère Souleymane Kane cadi (juge musulman) de Pout fut un proche talibé de El Hadj Malick Sy, deux filles du marabout de Kaolack Dieynaba et Astou Kane étaient respectivement les épouses de Serigne Ameth Sy mort en France durant la première guerre mondiale et Serigne Babacar Sy. Sokhna Astou Kane est la mère de Cheikh Tidiane Sy Al Maktum, Abdou Aziz Sy Al Amin et Pape Malick Sy et enfin il est le " Muqaddam" son représentant dans le Saloum. Après consultation, El hadj Malick Sy remit une prière intitulée " Allah ya Rassoulilahi ya Afdalwara" à El hadj Abdou Hamid Kane.

Pose de la première pierre de la mosquée de Paris
Les musulmans de Kaolack devaient réciter la prière à l'aube et au crépuscule dans la mosquée pour implorer Dieu pour le départ de Brocard de Kaolack. Le commandant de cercle allait quitter Kaolack en 1918. Tous les successeurs de Brocard ont eu des sentiments de respect humain beaucoup plus positifs envers le marabout de Kaolack. Il fut choisi en 1920 par l'administrateur Bernard Siadoux dans la première commission mixte municipale de la commune de Kaolack.
Cette nouvelle estime de l'administration coloniale fait partie des raisons pour lesquelles le marabout de Kaolack sur proposition de El hadj Malick Sy fut délégué en 1922 en France lors de la pose de la première pierre de la mosquée de Paris. De retour au Sénégal, il effectua un voyage au Maroc ; c'est dans le royaume chérifien qu'il apprit la mort de El Hadj Malick Sy.
En 1928, fut entreprise la construction de la mosquée de Kaolack. A son achèvement en 1931, l'administrateur de Kaolack François Cornet, après consultation des familles musulmanes de Kaolack porta son choix sur Abdou Hamid Kane pour être l'Imam presque pendant un an. Le 8 Août 1932 El Hadj Abdou Hamid Kane mourut à Kaolack. Le rapport du commandant de cercle François Reynier sur la mort du marabout de Kaolack montra toute la déférence, l'estime et le respect de l'administration coloniale envers celui qui fut le premier guide musulman de Kaolack : " le loyal Abdou Hamid Kane est mort"

Magatte Simal C.A.D.E.E.S Italie

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