Nationalisme et Xénophobie : Une Distinction Nécessaire dans le Débat Politique Sénégalais
Les élections législatives du 17 novembre 2024 ont marqué une étape importante dans l’histoire politique du Sénégal avec l’entrée à l’Assemblée nationale de Tahirou Sarr et de son mouvement nationaliste. Si ce succès est le fruit d’un discours souvent controversé, marqué par des accents perçus comme xénophobes, il soulève aussi des questions fondamentales sur la place du nationalisme dans le paysage politique sénégalais. Il est crucial de différencier le nationalisme de la xénophobie afin d’analyser cette évolution avec nuance et d’envisager le rôle des nationalistes comme une véritable "troisième voix" dans le débat démocratique.
Nationalisme - Xénophobie : Une Distinction Conceptuelle.
Le nationalisme, dans son essence, est une doctrine politique qui valorise l’attachement à la nation et la défense de ses intérêts, souvent en réponse à des dynamiques perçues comme menaçant l’identité ou la souveraineté nationale. Il peut se manifester par une volonté de protéger les ressources nationales, de promouvoir la culture locale ou de renforcer la souveraineté économique et politique. Cette conception positive du nationalisme met en avant l’idée d’unité et de solidarité entre les citoyens sans exclure les autres sur la base de leur origine ou de leur appartenance ethnique.
La xénophobie, en revanche, se caractérise par une peur ou une hostilité envers les étrangers. Elle repose souvent sur des préjugés et des généralisations négatives, menant à des discours ou à des actes discriminatoires qui sapent les valeurs démocratiques et humanistes. Elle se nourrit de la peur et du rejet de l’autre et devient un outil de fragmentation sociale.
Dans le contexte sénégalais, il est donc essentiel de ne pas confondre un nationalisme légitime centré sur la défense des intérêts nationaux avec une xénophobie qui sape les bases d’une société inclusive. Même si certains discours nationalistes peuvent flirter avec des tonalités xénophobes, cela ne signifie pas que tout nationalisme est intrinsèquement xénophobe.
Les Nationalistes comme Troisième Voix dans le Débat Politique.
Inspiré certainement par les théories économiques de F Fenon qui plaide pour l’émancipation des nations postcoloniales, le mouvement nationaliste pourrait jouer un rôle essentiel dans la promotion de la souveraineté et de l’autodétermination du Sénégal. L’entrée de Tahirou Sarr à l’Assemblée nationale représente une opportunité pour élargir le débat politique sénégalais. Voici pourquoi :
1. Réponse aux Frustrations Populaires : Le nationalisme sénégalais tire sa force de la frustration de nombreuses populations face à des inégalités économiques, au sentiment de dépendance vis-à-vis de partenaires étrangers et à une perception d’injustice dans la répartition des ressources. En tant que porteur de ces revendications, le mouvement nationaliste peut inciter les décideurs politiques à réévaluer leurs priorités. Mieux en adoptant une posture nationaliste le Sénégal pourrait chercher à mieux protéger ses ressources et sa population contre les inégalités structurelles imposées par le système mondial.
2. Promotion de la Souveraineté : Dans un contexte de mondialisation parfois perçue comme écrasante, le nationalisme peut jouer un rôle essentiel en participant radicalement au débat sur la souveraineté économique, politique et culturelle du Sénégal. Cela pourrait inclure des mesures pour protéger l’emploi local, encourager la consommation des produits locaux et négocier des partenariats internationaux plus équitables.
3. Critique Constructive des Politiques Actuelles : Les nationalistes offrent une critique souvent absente des deux grands blocs traditionnels. Ils pourraient questionner les impacts des accords commerciaux internationaux, l’influence étrangère dans les affaires nationales ou encore les conséquences des politiques migratoires.
Les Défis du Discours Nationaliste
Cependant, pour jouer pleinement ce rôle, les nationalistes doivent impérativement éviter de tomber dans les travers de la xénophobie. Un discours basé sur la peur ou le rejet de l’autre risque de diviser davantage la société sénégalaise. À l’inverse, un nationalisme inclusif, ancré dans les valeurs de solidarité et de justice sociale, peut être une force motrice pour un Sénégal plus souverain et uni.
Une Nouvelle Donne pour le Sénégal.
L’arrivée des nationalistes sur la scène politique sénégalaise doit être vue comme une opportunité de diversification du débat démocratique. En se proposant comme véritable troisième voix, ils permettent d’aborder des questions souvent négligées par les partis traditionnels. Toutefois, cette responsabilité s’accompagne d’une exigence de maturité politique : promouvoir un nationalisme rassembleur, axé sur le progrès et la souveraineté, sans sombrer dans la peur de l’autre.
Dans un Sénégal marqué par sa diversité ethnique et culturelle, l’avenir du nationalisme dépendra de sa capacité à concilier amour de la nation et respect des principes d’ouverture et de solidarité internationale comme le suggéraient à la fois Aimé Césaire et L S Senghor dans leur appel à une humanité universelle.
Par Ibrahima Ka Dourou
Beauvais France.
