Dans une interview accordée à un média espagnol, Elma Saiz, ministre de l'Inclusion sociale, de la Sécurité sociale et des Migrations, a détaillé les principales caractéristiques de la réforme de la loi sur l'immigration. Cette réforme, qui entrera en vigueur sous forme de Décret Royal le 20 mai 2025, met fin à 13 ans d'application du règlement actuel et introduit des changements majeurs visant à simplifier et accélérer la régularisation des migrants en situation irrégulière en terre espagnole.
Ce processus pourrait bénéficier à environ 300 000 immigrés chaque année au cours des trois prochaines années. La réforme du règlement de la loi sur les étrangers, adoptée par le gouvernement et publiée Mardi dernier au Bulletin officiel de l'État (BOE), vise à réduire les délais et simplifier les critères de régularisation des migrants sans papiers.
La principale nouveauté réside dans l'harmonisation des différentes formes d'arraigo (intégration), un mécanisme permettant aux étrangers de régulariser leur statut en Espagne. La durée de séjour requise pour en bénéficier est désormais réduite de trois à deux ans. De plus, la réforme clarifie l'incompatibilité entre la demande de protection internationale et l'arraigo. Cependant, pendant une période transitoire d'un an, le gouvernement réduira à six mois la durée de résidence minimale en Espagne permettant aux demandeurs d'asile déboutés d'accéder à l'arraigo, à condition de remplir les critères requis.
En ce qui concerne l’Arraigo social, le délai de résidence nécessaire pour en bénéficier passe de trois à deux ans. Le demandeur devra toujours prouver ses liens familiaux avec des résidents légaux en Espagne ou présenter un rapport d’intégration sociale.
Pour l’Arraigo sociolaboral (anciennement arraigo laboral), la durée de résidence de deux ans reste requise, mais le nombre d’heures hebdomadaires du contrat de travail exigé est réduit de 30 à 20.
L’Arraigo socio formativo (remplaçant l’arraigo pour la formation), la durée de résidence requise est toujours de deux ans, ainsi qu’un engagement à se former dans une profession recherchée sur le marché du travail. Désormais, il sera possible de travailler dès le début de la formation.
L'arraigo de seconde chance ou opportunité, une nouvelle mesure, exige deux ans de résidence en Espagne. Ce dispositif permet aux étrangers ayant déjà obtenu une autorisation de séjour, mais ne l'ayant pas renouvelée, de régulariser leur situation.
S’agissant de l’Arraigo familial, il n'y a plus de durée minimale de résidence en Espagne, et cette forme est désormais réservée aux parents de citoyens espagnols nés dans des pays tiers ou aux parents de ressortissants de l’UE. Les autres cas sont régis par un nouveau statut de membre de la famille de citoyens espagnols.
Pour améliorer les conditions de regroupement familial, une nouvelle autorisation de séjour est créée pour les membres de la famille des citoyens espagnols, avec un élargissement de la couverture.
Les principales modifications incluent :
L'extension de l’âge des enfants bénéficiaires de 21 à 26 ans.
L’inclusion de partenaires non enregistrés mais pouvant prouver une relation de nature affective équivalente à un couple.
La facilitation du regroupement familial pour les enfants et les parents des victimes de traite, de violences sexuelles ou de violences de genre.
Ces réformes établissent une durée d’un an pour les cartes de séjour initiales, avec un renouvellement de quatre ans pour toutes les autorisations.
Le nouveau règlement introduit une autorisation spécifique pour tous les types de visa, précisant que la première autorisation de séjour sera valable pendant un an, tandis que les renouvellements seront accordés pour une durée de quatre ans. Cette mesure vise à éviter les situations d'irrégularité administrative et simplifie également le passage d'un type de permis à un autre. Par exemple, il ne sera plus nécessaire de quitter le pays pour obtenir un permis de résidence permanente après un permis temporaire. Le visa de recherche d'emploi, qui était auparavant limité à trois mois, sera désormais valable un an.
Les réformes instaurent une protection renforcée pour les travailleurs saisonniers, avec la mise en place d'une nouvelle autorisation de résidence et de travail. Celle-ci facilite les contrats individuels et collectifs, tout en assurant une meilleure protection de leurs droits. Les travailleurs devront recevoir des informations claires et écrites dans une langue qu'ils comprennent concernant leurs conditions de travail, leur logement entre autres. Ces mesures améliorent également les conditions de sécurité des travailleurs, depuis leur départ du pays d'origine jusqu'à leur affiliation à la Sécurité sociale. De plus, elles leur permettent de changer d'employeur en cas de maltraitance ou de circonstances exceptionnelles empêchant la poursuite du travail, dans des conditions optimales.
Les étudiants étrangers bénéficieront désormais d’un permis de séjour initial correspondant à la durée de leur formation. À l’issue de leurs études, une procédure simplifiée leur permettra d’obtenir rapidement un permis de travail. Par ailleurs, ils pourront travailler jusqu’à 30 heures par semaine pendant leur cursus universitaire.
La réforme de la loi sur l’immigration en Espagne représente un pas important vers un système plus inclusif et humain. La régularisation de centaines de milliers de migrants répond ainsi aux besoins urgents des personnes vulnérables tout en soulignant leur contribution à la société.
Cette réforme n’est pas simplement un changement législatif, mais un message fort : celui de l’égalité, de la dignité et de l'intégration pour ceux qui cherchent à bâtir une vie meilleure. Elle ouvre la voie à une société plus juste, où les migrants, souvent invisibles, voient enfin leurs droits reconnus. L'Espagne affirme son leadership en réduisant les délais, en simplifiant les critères et en élargissant les possibilités de régularisation, dans un contexte européen et mondial marqué par l'intensification des tensions migratoires, exacerbées par la montée en puissance des partis hostiles à l'immigration et la xénophobie.
Le gouvernement de gauche espagnol de Pedro Sánchez fait bien figure d’exception sur la question migratoire au sein de l’Union européenne. Il est grand temps que d’autres pays suivent l'exemple du Royaume d'Espagne, car la diversité, loin d’être un obstacle, est une richesse. Les migrants doivent être perçus non seulement comme des travailleurs, mais aussi comme des membres à part entière de nos sociétés et non simplement comme étant entièrement à part, pour reprendre les mots de Feu Maître Alioune Badara Cissé, paix à son âme.
MOMAR DIENG DIOP /ESPAGNE