Depuis l’assassinat, voici trente-six ans, de son président Thomas Sankara, le Burkina Faso n’en finit pas de rêver à un nouveau fils prodigue à défaut d’un « Che Guevara » africain.
Il pensait avoir touché du doigt l’icône en la personne du capitaine Ibrahim Traoré, ancien commandant d’un régiment d’artillerie de Kaya, chef-lieu de la région centre-nord du Burkina Faso, lorsque celui-ci est devenu le chef de la junte militaire, après un coup d’État en octobre dernier. À 34 ans le béret rouge devenait le plus jeune chef d’État au monde, et comme la plupart des putschistes celui-ci a justifié son coup de force en raison de « la dégradation continue de la situation sécuritaire ». Avant lui, au Mali, le colonel Assimi Goïta n’avait pas dit autre chose, et aujourd’hui au Niger, le nouvel homme fort issu, lui aussi d’un récent putsch militaire, le général Tchiani, ne dit rien d’autre non plus. Ce copier-coller a quelque chose de suspect, à croire qu’ils ont tous été apprendre leur leçon auprès de Sergueï Lavrov le ministre des affaires étrangères de Russie.
Hélas, il faut aux burkinabés déchanter, dix mois après son coup d’Etat, les attentats jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique (EI) se poursuivent toujours dans le pays, l’endeuillant de nombreux morts. Le capitaine, lui non plus, ne parvient pas à sécuriser son pays.
Les mêmes burkinabés ont également été sans doute surpris d’entendre leur capitaine pérorer lors du sommet Russie-Afrique qui vient de se tenir à Saint-Pétersbourg en présence de Vladimir Poutine et de plusieurs chefs d’État et de gouvernements africains. Et surtout de l’entendre fustiger ses homologues, « les anciens » du continent, accusés de venir mendier du blé auprès du maître du Kremlin. Et de leur donner une leçon de morale du haut de ses 34 ans, fort de l’onction qu’il venait de recevoir de Vladimir Vladimirovitch Poutine.
Le capitaine Traoré a seulement oublié de dire que, tels les bourgeois de Calais, le voyage à Saint-Pétersbourg a été son propre chemin de Canossa, où il a fait allégeance à celui qui ne cesse de vouloir étendre son influence politique au Sahel et de chasser la présence française. Et qu’en récompense, il a reçu les trente deniers de Judas, à savoir l’équivalent de 1 339 245 542 de céréales du nouveau tsar, là où la plupart des autres chefs d’État africains, « les anciens » se voient dans l’obligation d’acheter leurs céréales russes. Alors lequel est le plus mendiant de tous ? Il y a des cadeaux qui n’honorent pas toujours ceux qui les reçoivent.
Moralité, n’est pas Sankara qui veut !
Ibrahima Thiam, Président du mouvement « Autre Avenir »