Monsieur Ndiaye en tant que secrétaire général du RND, vous êtes à la tête du parti dans un contexte socio-politique pour le moins trouble. Quels sont les défis que vous comptez relever de prime abord ?
C'est par une mise en œuvre des dispositions statutaires et réglementaires qui régissent notre parti le RND que nous avons été porté à la tête du secrétariat exécutif politique, l'organe dirigeant, comme Secrétaire Général, à la suite de la décision volontaire du Professeur Madior Diouf de se décharger de ses fonctions de secrétaire général, après trente années passées à la tête du parti. Cette décision est intervenue le samedi 18 novembre 2022.
Depuis lors nous avons en charge la direction du parti. Mais le RND étant un parti démocratique, un parti qui pense que l'action politique doit être une action collective surtout en matière de gestion et de direction d'un parti comme le nôtre.
Dès notre installation nous avons reçu un cahier de charge par rapport à la réorganisation et à la remobilisation du parti
C’est pourquoi nous avons immédiatement procédé à une restructuration du secrétariat exécutif politique en reformulant et en redéfinissant les départements du secrétariat en fonction du contexte nouveau dans lequel le parti entend évoluer et en même temps aussi en fonction du profil des ressources humaines dont le RND dispose. C’est la raison pour laquelle dans cette optique de restructuration nous avons procédé à une combinaison politique qui nous permet aujourd'hui d'avoir trois générations de dirigeants du RND.
Nous avons des aînés qui sont avec nous et qui ont été les premiers membres du mouvement des jeunes de RND de 1976. Les autres, comme moi, qui sont là deuxième génération du mouvement des jeunes et d'autres dirigeants plus jeunes que nous avons recrutés et formés dans le parti. Ce qui fait que dans le secrétariat exécutif politique du RND la physionomie montre trois générations de dirigeants pour marquer la continuité et la permanence de l'action politique. Je suis, aujourd'hui le quatrième secrétaire général du RND, après Cheikh Anta Diop, Ely Madiodio Fall et Madior Diouf, entouré que je suis donc par cette direction composite et plurigénérationelle qui se fonde sur le passé, qui s'adapte au présent et entend se projeter résolument vers l'avenir avec des nouvelles perspectives pour sa redynamisation, pour sa réorganisation et sa remobilisation. Donc c'est dans un contexte assez particulier que nous accédons à la tête de ce parti. Au niveau national le Sénégal est traversé par un certain nombre de difficultés, de problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels dans lequel notre parti va évoluer en tenant compte des difficultés, dans une perspective de reformulation de son offre politique en se fondant sur les enseignements et la pensée du professeur Cheikh Anta Diop. Le projet politique pour lequel nous militons a besoin d'une réadaptation, d'une reformulation, d'une recontextualisation eu égard au fait que dans la société sénégalaise aujourd'hui apparaît de nouvelles demandes, de nouveaux besoins auxquels nous devons apporter des réponses.
Ce sont essentiellement ces défis majeurs que le RND doit relever mais cela passe par une remobilisation, par un nouvel élan qui est déjà visible dans le parti, et qui devra permettre au RND d'ouvrir ses portes pour une large massification pour qu'il redevienne l'un des plus grands partis de ce pays. Il l'a toujours été par son offre politique, il doit l'être par sa capacité d'intervention et d'action sur le terrain politique.
Pensez-vous avoir les possibilités de redonner à votre formation politique son lustre d’antan ?
Nous avons la certitude que le RND a un énorme potentiel qui va être un des piliers de sa relance. Le RND, est aujourd'hui, le parti porteur de la pensée la plus actuelle Afrique, le panafricanisme tel que formulé par le professeur Cheikh Anta Diop. Les potentialités immenses dont il dispose vont servir de levier sur lequel le RND va s'appuyer pour relever le défi de sa massification. L'autre levier c'est la réunification de la famille politique de Cheikh Diop. Car entre autres missions l'actuelle direction a la charge de travailler en vue des retrouvailles de la grande famille politique de Cheikh Anta Diop, avec des anciens camarades mais aussi de nouveaux camarades convaincus de la justesse de la pensée du fondateur de notre parti, même s'ils n'avaient jamais milité dans le parti.
Donc l'objectif est d'en faire l'une des forces principales de ce pays. Et de ce point de vue nous sommes optimistes quand on sait qu'aujourd'hui la jeunesse sénégalaise et africaine se réclame de Cheikh Anta Diop et elle est prête à être orientée vers des voies claires, vers un engagement politique et moral rationnel et efficace tel que proposé et pratiqué par Cheikh Anta Diop pour la construction nationale mais aussi africaine.
C'est pourquoi nous pensons que sous peu les sénégalais seront témoins de la renaissance et de la reconstruction du grand parti que Cheikh Anta Diop a voulu mettre sur pied. Nous disons qu'il nous faudra aller au-delà de ce Cheikh Anta avait fait. Si on fait moins ou on fait comme lui on aura échoué. Thomas Sankara disait "Malheur à ceux qui font moins que leurs pères".
Quelle est la position du RND sur le dialogue national ?
Le RND est naturellement favorable au dialogue national c'est pourquoi en tant secrétaire général nous avons participé au dialogue. Il est clair que les méthodes de travail ont posé quelque fois problème par rapport à la représentation des partis et des coalitions. Mais les résultats auxquels ce dialogue a abouti montrent qu'il était nécessaire.
On ne peut rien avoir en dehors du dialogue. L'histoire politique du pays montre que les acquis que nous avons en matière électorale, surtout dans la sécurisation du système électoral, ont été le produit de dialogues à la veille ou après chaque élection.
Les 12 points d'accord montrent qu'il était nécessaire de dialoguer et que d'une élection à une autre le Sénégal fait des enjambées du point de vue démocratique pour d'avantage bâtir une démocratie qui est une quête quotidienne.
Nous saluons et nous réjouissons des résultats.
Quel sera la posture de votre parti pour les futures présidentielles ?
C'est le comité directeur, organe direction, d'orientation et de décision entre deux congrès qui devra déterminer la position globale que le RND dégagera par rapport à la présidentielle de 2024.
Paracerque nous sommes un parti démocratique, toutes les décisions se prennent de façon collégiale sur la base de débats, d'analyses de la situation politique nationale, des rapports de force et de la position de notre parti sur l'échiquier politique national. Mais tout compte fait, le RND dans sa perspective de redynamisation entend jouer un rôle majeur lors de la prochaine présidentielle.
Nous pouvons dire que la forte tendance qui se dégage de façon manifeste dans notre parti est que nous ne devons plus jouer les seconds rôles.
Le RND a décidé de ne plus être spectateur, de ne plus être sur les gradins ou sur les bancs de touche mais d'être un acteur majeur en fonction de ses possibilités et en fonction de l'analyse à laquelle il aboutira rapport aux enjeux que constitue l'élection de février 2024.
Votre avis sur la possible troisième candidature du président Macky Sall ?
A l'étape actuelle nous nous interdisons de nous prononcer sur les candidatures ; que ce soit celle du présent en exercice ou celle d'un autre. Car nous considérerons que c'est prématuré d'en parler car nous ne sommes pas juridiquement à l'étape des candidatures. Nous avons des déclarations d'intention de candidatures. Mais dans le processus électoral nous ne sommes pas encore dans l'officialisation des candidatures. Ensuite nous pensons qu'il n'est point besoin pour nous autres d'en parler étant entendu qu'en parler ne relève que de la science-fiction parce que ne reposant sur aucune base solide.
C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il ne faudrait pas anticiper ou être plus royaliste que le roi.
Mais le RND a décidé de convoquer une instance nationale et de dégager une position globale par rapport aux candidatures en appréciant celle des uns et des autres et en projetant par rapport à son avenir la décision qui sera démocratiquement choisie par les instances.
Depuis deux ans le Sénégal et les sénégalais sont tenus en haleine par l’affaire Ousmane Sonko et ses vagues de conséquences. Quel commentaire en faites-vous ?
Il faut regretter, à l'image de beaucoup de Sénégalais, ce qui s'est passé. Nous avons assisté à une crise inédite, parce qu’il y a eu un glissement d'une affaire privée vers le champs politique. Une crise qui est le résultat d'une politisation à outrance d'un dossier qui n'aurait jamais dû cesser être ce qu'il, c'est à dire une affaire privée. Et il faut regretter et condamner les violences qui ont été les conséquences dans la gestion politique de cette affaire de part et d'autre. Nous nous inclinons devant la mémoire de tous ceux qui sont morts. Mais nous condamnons les violences quelques que puissent en être les auteurs parce que tout simplement il y a eu une volonté de mettre le chaos au Sénégal par des saccages, des mises à feu des destructions de biens privés et publics. C’est inacceptable.
Au Sénégal on assiste à une nouvelle forme de militantisme qui n’a rien à voir avec ce que vous avez connu. Qu’en pensez-vous ?
Vous posez là une question de fond qui interroge aujourd'hui la conscience politique et citoyenne dans la société sénégalaise en particulier chez les jeunes. Notre démocratie est en train de se bâtir petit à petit, étape par étape. Elle est le résultat de longues luttes héroïques que nos illustres devanciers ont mené de 1960 à nos jours. Des luttes qui ont permis au Sénégal, étape par étape, d'avoir des acquis qui permettent aujourd'hui aux jeunes de maintenant de pouvoir s'exprimer en toute liberté et de pouvoir exprimer leur choix politique.
Mais le problème que ça pose est que les jeunes d'aujourd'hui qui ont fait irruption sur la scène politique scène politique sénégalaise ne savent pas d'où leur vient cette démocratie. C'est le problème que nous posons par rapport globalement au système éducatif qui même s'il a produit des instruits, de grands diplômés, n’a pas réussi à former de citoyens éveillés conscients de leur citoyenneté.
Les jeunes d'aujourd'hui ne savent pas qu'il y avait un moment au Sénégal on votait sans pièce d'identité, sans isoloir, sans l'encre indélébile. Alors que tout cela est le résultat d'un long processus de lutte qui a nécessité des sacrifices, de génération en génération, de la part de leaders illustres qui se sont battus contre de régime de Senghor pour avoir cette démocratie qui garantit aujourd'hui l'expression libre et sincère du suffrage.
C'est le rôle naturel des partis de former les militants. Mais on a l'impression que les formations politiques ont d'autres préoccupations que la formation réelle des militants dans une citoyenneté lucide et assumée qui leur permet de savoir l'importance de la carte électeur, son coût et sa valeur.
Aujourd'hui la tendance est que les gens adhérent dans les partis plus pour des personnes que pour des programmes parce que les militants ne sont plus formés. Le résultat est qu'on assiste à une personnalisation du débat politique.
Quelle place occupent les sénégalais de la diaspora dans le programme du RND ?
Nos compatriotes vivant dans la diaspora sont les véritables ambassadeurs du Sénégal et cela à tous points de vue. Ils portent et reflètent l'image de notre société, l'image du Sénégal.
C'est pourquoi ils jouent un rôle important dans la place du Sénégal dans le monde. Cette importante place se manifeste à plusieurs niveaux. Sur les systèmes et mécanisme de solidarité qu'ils mettent en place à travers les pays d'accueil mais en même temps le système de solidarité qu'ils développent envers le pays. Ils participent à l'économie et au développement du Sénégal par le soutien aux familles mais aussi par les investissements immenses qu'ils font dans certains secteurs d'activités de l’économie nationale. Donc aujourd'hui il faut créer le cadre d'expression de cette diaspora, créer des couloirs qui facilitent leurs mouvements, leurs investissements, globalement leur plus grande participation à la construction nationale, mais aussi la préparation de leur retour. C'est pourquoi nous pensons qu’il faut saluer l'arrivée des députés de la diaspora mais il faut aller dans le sens d'un grand conseil supérieur des Sénégalais de la diaspora à l'image de ce que font les Français. Pour une harmonisation des actions mais aussi pour créer des mécanismes qui permettent de les regrouper dans le but de créer des activités à l'étranger mais en même temps investir au Sénégal.
Il faut également augmenter le nombre de représentations diplomatiques et consulaires car ils sont nombreux les sénégalais qui ne sont pas en contact avec ces institutions donc pas recensés.
Il faut donc un effort pour la maîtrise de la population sénégalaise de la diaspora.
Travailler avec les organisations que les sénégalais créent leur donner plus de reconnaissance, plus de plages d'expression et d'intervention et faire jouer au ministère des Sénégalais de l'extérieur plus de rôle de terrain qu'un rôle bureaucratique.
Quel est votre dernier mot Monsieur Ndiaye ?
Dire simplement aux sénégalais d'ici et de la diaspora que le Rassemblement National Démocratique parti créé par le professeur Cheikh Anta Diop tend la main à tous ceux et toutes celles qui pensent qu'il est possible pour le Sénégal de se projeter dans la voie du progrès et dans la voie de la construction nationale et africaine.
Le professeur Cheikh Anta Diop a élaboré une pensée scientifique au service d'un projet politique pour la démocratisation, la libération et la renaissance de l'Afrique.
Notre parti pense que le RND est le cadre naturel de tous les panafricanistes, de tous les patriotes et démocrates. C'est la raison pour laquelle nous lançons un appel a tous nos compatriotes en leur disant que le parti de Cheikh Anta Diop leur ouvre largement ses portes d'abord pour une appropriation correcte de la pensée du professeur Cheikh Anta Diop mais aussi et surtout les idées pour lesquelles il s'est battu toute sa vie.
Notre responsabilité en tant que ses héritiers politiques est d'aller vers les sénégalais d'ici et de la diaspora pour leur dire que le parti que le professeur Cheikh Anta Diop avait créé entend jouer le rôle naturel qui est le sien, c'est-à-dire un parti d'éveilleur de conscience, un parti libérateur, un parti qui va créer les perspectives de la construction nationale et de la construction africaine.
Entretien : Malick SAKHO